Triple médaillée olympique, dont deux fois en or. Premier sacre féminin sur 100 m dans l’histoire des JO… Betty Robinson, c’est l’histoire d’une athlète revenue d’entre les morts. L’histoire d’une gamine de 15 ans qui courait pour attraper son train dans la banlieue de Chicago. Seulement, elle courait plus vite que tout le monde. Par Ruben Dias. Extrait du WOMEN SPORTS N°29.
Un train d’enfer
L’histoire olympique aurait sans doute été toute autre si Betty Robinson avait raté son train pour Riverdale. Mais cette après-midi d’hiver 1928, le destin va déjà s’en mêler. Alors qu’elle signe le sprint de sa vie sur le quai de la gare, son professeur de biologie au lycée Thornton, déjà à bord de l’appareil, jette un coup d’oeil par la fenêtre. Même pas le temps de le cligner que la jeune adolescente est déjà installée dans le wagon. Charles Price hallucine. Le prof décide de la chronométrer et de la prendre sous son aile. Le talent de la gamine est immense. Betty s’entraîne d’abord avec des garçons avant de rejoindre le prestigieux Illinois Women Athletic Club.
Mais si Betty Robinson n’a pas perdu de temps, l’histoire elle, cale un peu. L’Américaine a mis pas mal de temps à faire une place dans les musées du sport pour sa médaille d’or du 100 m acquise aux Jeux Olympiques d’Amsterdam en 1928. Elle aura dû attendre 1971 pour rejoindre le Hall of Fame du comité américain et 2014 pour qu’une biographie dépoussière son souvenir des mémoires.
Cependant, il semble bien difficile d’oublier l’histoire de Betty Robinson. Celle d’une ado de 16 ans qui, lors de sa première compétition, termine derrière Helen Filkey, détentrice du record des États-Unis. Lors de sa deuxième course, elle égale le record du monde sur la dis- tance (12’ 02’’). Et lors de sa cinquième, elle décroche la première médaille d’or olympique sur 100 m féminin de l’histoire à Amsterdam. Rien que ça.
Mort et deuxième médaille d’or (dans cet ordre)
Juin 1931. À bord d’un avion de tourisme, Betty Robinson vole au-dessus de Chicago. Au volant de ce biplan, son cousin cale et perd le contrôle. L’appareil s’écrase dans la banlieue de la ville du Michigan, les autorités craignent le pire. Entre les débris encore brûlants, la championne olympique ne réagit pas. Considérée comme morte, son corps est déposé dans un coffre de voiture avant d’être transporté vers la morgue. L’histoire aurait bien pu s’arrêter là, mais le sort en a décidé autrement pour Betty Robinson.
Malgré ce que les secours pensent, Betty est toujours vivante. Sa tête saigne abondamment et l’athlète ne répond plus, mais son cœur bat encore. À la morgue, le croque-mort distingue une légère respiration : finalement, direction la Oak Forest Infirmary, où elle restera onze mois. D’après les médecins, elle ne pourra plus marcher et s’en tirera en fauteuil roulant avec une jambe plus courte et une incapacité totale de s’agenouiller… Mais c’était mal connaître cette chère Betty.
Quelques centaines de jours de rééducation plus tard, beaucoup de douleur, et une abnégation totale, la championne olympique rechausse les pointes. Si elle ne peut plus plier ses jambes dans les starting-blocks, dans un relais elle peut démarrer debout. Qualifiée pour les JO de 1936, il lui faut maintenant financer son voyage jusqu’en Allemagne. À l’époque, la Fédération américaine ayant eu la merveilleuse idée de ne payer le déplacement qu’à ses représentants masculins… Robinson vend ses trophées, économise chacun des centimes de sa paie. Quelques mois plus tard à Berlin, l’Américaine se tient droite pour le3e relais du 4x100m. Envoyant la dernière relayeuse allemande lâcher le témoin, elle le comprend : Betty Robinson tient sa deuxième médaille d’or olympique, cinq ans après avoir été laissée pour morte ! Incroyable destin pour Mrs. Robinson.